18 août 2011

Le foot breton et l'identité régionale

Etrange coïncidence, après avoir reçu Ajaccio pour le compte de la seconde journée du championnat, Lyon se déplace à Brest (samedi à 19 h) comme pour clore un tour de France des régionalismes. Pour autant, si nous avions montré dans un post précédent que si l'AC Ajaccio tâchait de profiter d'un véritable renouveau du football corse, on peut s'interroger sur l'existence d'une identité footballistique bretonne, car la persistance d'une telle identité n'a rien d'évident en dépit de la présence de trois clubs de la région en Ligue 1 (Rennes, Brest, et Lorient).


Dans la France jacobine, l'existence d'identités régionales ne va pas de soi. Le lutte que les Bretons mènent depuis la fin des années 1990 contre la Fédération française de football (FFF) pour avoir une sélection régionale illustre bien l'opposition du pouvoir central à toute autonomie régionale. Si les Bretons jouent désormais quelques matchs de bienfaisance chaque année, cet heureux dénouement est très récent (fin des années 2000), et rappelle la force de caractère qui caractérise les Bretons.


Ces controverses font écho aux très belles phrases que l'historienne Mona Ozouf a dans le roman Une composition française pour son enfance bretonne vécue près de Lamballe :
Après des siècles de nivellement monarchique et de simplification républicaine, la cause en effet n'est toujours pas entendue, et les rapports du centre et de la périphérie n'ont pas laissé d'être problématiques. La diversité française s'est refusée à l'indifférenciation. De cette résistance des particularités, la Bretagne est très tôt devenue l'exemple canonique; le vieux duché de Bretagne du XVe siècle, qui était alors pourvu de toutes les herbes de la Saint-Jean nécessaires à la constitution d'une nation, la langue, le territoire et peut-être même le «pacte de tous les jours», ne s'est toujours pas mué, cinq siècles plus tard, en une division ordinaire de l'espace français. À cette banalisation la personnalité bretonne a opposé son obstination légendaire. Elle témoigne, plus que toute autre province, de la vie rebelle de l'esprit des lieux.
L'existence d'une sélection régionale ne signifie toutefois pas qu'il existe une identité footballistique bretonne. Christian Gourcuff, plutôt bien renseigné sur la question, a d'ailleurs avancé son scepticisme quant à l'existence d'une identité propre du football breton : "Je ne sais pas si on peut vraiment parler de football breton. Dans les années 1970, il y avait une véritable identité régionale. Aujourd’hui, cette identité régionale a disparu et il n’y a plus beaucoup de Bretons dans les équipes concernées", explique-t-il.


On ne peut lui donner tort. Quels Bretons retrouve-t-on dans les équipes de Bretagne ? A Lorient, on compte parmi les tittulaires, tout au plus deux joueurs bretons (Bourillon, Le Lan), trois à Rennes (Théophile-Catherine, Féret et Danzé) et un à Brest (Bigné). Sans remonter aux années 70, on peut revenir au début des années 1990, et trouver un Rennes beaucoup plus breton (penser aux frères Delamontagne, aux Le Dizet, Hiard, Gourvenec, Le Pen, André, Guivarch, etc.), ou un Stade Brestois , pourtant à son apogée, qui misa sur quelques jeunes joueurs régionaux (Le Guen, Guivarc'h, Colleter, Martins, Cloarec). Au-delà de l'origine des joueurs, quel serait le style du football breton ? Là encore, pas évident de trouver un point commun entre le jeu de Rennes d'inspiration britannique, et le football du Lorient de Gourcuff, clairement milaniste.

L'identité bretonne ne constitue donc pas la principale caractéristique du football du stade brestois. Brest est avant tout un football à l'économie (17ème budget de Ligue 1, à 27 M€), et un football de bons coups (Roux, Elana, Grougi, Baysse). Généralement organisé en 4-2-3-1 l'an passé, l'équipe d'Alex Dupont a entamé une évolution vers le 4-4-2 qui n'a pas forcément convaincu. Depuis le début de saison, les Brestois restent sur deux matchs nuls, d'abord en difficulté face à Evian (2-2), mais en progrès à Valenciennes (0-0). Un bon test pour l'Olympique Lyonnais dans un contexte où la principale difficulté sera l'enchaînement des matchs, avec en particulier deux joueurs à suivre : Nolan Roux et Bruno Grougi.

Nolan Roux


L'émergence de Nolan Roux au plus haut niveau relève peu du hasard. Peu s'en souviennent mais son père, Bruno, a été professionnel dans les années 1980. Attaquant lui aussi, il a commencé sa carrière dans son Oise natale, à Beauvais, avant de la poursuivre en D2 (Le Havre, Châteauroux, Red Star...), après un passage raté au PSG. Si Nolan a fait ses débuts professionnels non loin de l'Oise (Lens), c'est pourtant à Brest, en ligue 2, qu'il se révèle : pour sa première saison professionnelle pleine (2009-2010), il participe activement à la remontée du Stade Brestois en ligue 1 en plantant 15 buts. L'année suivante, sa première saison en ligue 1 est gâchée par une blessure. Il parvient néanmoins à se mettre en valeur (6 buts et 2 sélections avec les espoirs), et les Bretons parviennent néanmoins à se maintenir.

Cette saison, on espère voir la confirmation des espoirs car c'est peut être l'attaquant français le plus prometteur après Benzema et Gameiro. Il n'a pas de faiblesse apparente. Il est vif, rapide, bien positionné, capable de trouver le cadre dans tous les angles. Son profil est particulièrement efficace dans un jeu direct, instinctif, et un peu moins lorsqu'il s'agit de conserver le ballon (jeu de dribble, jeu de possession). Pas étonnant qu'il intéresse de nombreux clubs européens (Schalke, Lyon, Tottenham).

Bruno Grougi


Grougi a surement été l'une des plus belles découvertes de la saison passée : 9 buts et 6 passes décisives pour sa première saison en ligue 1 à 27 ans. Le milieu de terrain offensif brestois avait auparavant joué à Caen ou à Clermont en ligue 2 et en National. Son émergence est tardive, mais heureuse. C'est un milieu de terrain complet, technique et combatif, un "box-to-box midfielder" disent les British, toujours bien placé, et très précis sur coup de pied arrêté. Des airs d'Eric Carrière.

Et pour finir, une note de musique française avec Christophe Miossec, supporter éternel du Stade Brestois. On aurait pu choisir son entraînant Tonnerre de Brest ou son hymne au stade Brestois (Stade Brestoa), mais je préfère le souffle de rock finistérien de Evoluer en D3 et de son premier album (Boire, 1995).

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